Inalpe et désalpe

Montée et descente d'alpage

L'inalpe et la désalpe sont les transhumances effectuées par le bétail et les bergers lors de la montée à l'alpage en début de saison, ou de la descente de l'alpage, en fin de saison. Si ces déplacements se font souvent en camion, ils peuvent aussi se faire à pied.

A partir du XVème siècle, la généralisation des alpes (alpages) a été source d’amicales rivalités, les villageois ayant à cœur de décorer leurs bêtes pour mener le plus beau troupeau vers les pâturages d’altitude, et en tirant une grande fierté jusqu’à l’estive suivante. Ces parades ne pouvaient manquer de donner lieu à des réjouissances populaires rapidement entrées dans la tradition, l’inalpe et la désalpe constituant encore un spectacle apprécié de tous. Dans bien des villages, la descente des troupeaux, qui marque le début de la période hivernale, est un événement festif majeur et attire de nombreux touristes.
Pour l'occasion et le folklore, les armaillis revêtent leur "bredzon" (vêtement de travail de l'armailli), le "capet" (chapeau) et le beau "loyi" (poche à sel). Les vaches et les génisses ensonnaillées, sont décorées avec des fleurs en papier, et des branches de sapin, tandis que la reine du troupeau, avec son toupin d'apparat, arbore fièrement un tabouret de trait fleuri d'un petit sapin. Le tabouret étant attaché et positionné à l'envers entre ces cornes.

L'inalpe

La montée d'alpage

Appelée aussi poya en patois, elle se déroule tôt en matinée et généralement un samedi entre la fin mai et le tout début juin. La date est fixée en fonction de la fonte des neiges et de l'enherbement sur les pâturages d'altitude.

L'inalpe valaisanne, est connue pour ses combats de reines qui permettent d'organiser la hiérarchie interne du troupeau. En terre vaudoise, la mise en place de cette hiérarchie est plus discrète.

Dans le canton d'Appenzell au pied de l'Alpstein, le jour de la montée, trois vaches porteuses de cloches dont les sons ont été harmonisés, sont menées par leurs bergers en costumes traditionnels. Ils portent sur l'épaule gauche le seau (Fahreimer), dont le fond a été orné de peintures artistiques. Derrière les vaches à cloches, quatre pâtres suivent et ajoutent leurs chants aux sons des trois instruments campanaires.

La désalpe

La déscente d'alpage

A l'automne, quand les journées raccourcissent et que l'herbe vient à manquer en altitude, la désalpe ou la Rindya en patois, marque le retour des troupeaux dans les vallées. Contrairement à l'inalpe, cette dernière se déroule après le repas du midi (soupé) pour que les troupeaux parés de couleurs, de toupins et de sonnailles arrivent en après-midi dans les villages.
Bon nombre de localités accueillent le retour des bêtes dans une ambiance populaire et folklorique. Au programme, musiques et jeux alpestre, groupes folkloriques et marchés artisanaux. En Suisse Romande, la désalpe est célébrée à Charmey, Lignières ou encore à Saint-Cergue, et elle réussit chaque année à déplacer les foules et les médias.

Une descente très sportive au pré de Mollens

En ce tout début d'octobre, paysans et habitants de Mollens confondus, nous sommes une bonne vingtaine à effectuer la désalpe. Quelques enfants du village sont aussi montés au chalet pour participer à l'événement.

A l'arrivée des tracteurs, les dernières bêtes qui doivent encore descendre en "chars" sont chargées. Plus de la moitié des protégées d'Olivier sont déjà dans les prés du village. Le repas terminé, après un dernier petit verre, M'sieur l'Président (René, l'ancien président du syndicat d'alpage) donne le signal du départ, et comme chaque année, à l'arrière du cortège, au volant de son 4X4, il fera office de voiture "balai".

Au «cul» des génisses

En sortant de l'écurie, une fois sur le pâturage, les génisses sont poussées en direction du portail. Après l'affolement de la sortie, Olivier en tête, les bêtes marchent tranquillement à son appel "viens ! Viens !...". A deux cent mètres du portail, on sent une légère accélération, tout le monde est sur ses gardes, c'est ici que les choses pourraient se corser. Nous avons tous en tête, que cette année la désalpe est tardive, que l'herbe se fait rare sur l'alpage, et que les demoiselles rêvent des herbages de la plaine…

En tête du troupeau, un premier groupe accompagne Olivier, en cas d'emballement ils devront ralentir les bêtes de tête et ne pas se laisser dépasser par elles. A l'arrière, un second groupe veille au maintien du troupeau, et le cas échéant, il devra coûte que coûte barrer le passage aux génisses qui seraient tentées de prendre des chemins de traverse.

En théorie tout est parfait, nous sommes en nombre suffisant pour contenir la quarantaine de génisses, et la dizaine de veaux, qui cette année descendent à pied. Un groupe devant, un autre à l'arrière, et quelques aller-retours le long du troupeau pour remettre à l'ordre les récalcitrantes, devrait suffire à transformer cette descente en une simple randonnée pastorale. Oui mais voilà, les génisses ne partagent pas les mêmes théories que celles des hommes …

Quant rien ne va plus

A une centaine de mètres du clédar (porte à claire-voie dans une clôture), l'ensemble du troupeau "lève le cul" (se met à courir). En un instant nous somme distancés et n'avons plus qu'une alternative, courir derrière lui. Sur le terrain accidenté du pâturage, la chose n'est pas des plus faciles. Un regard vers l'avant nous laisse percevoir que le groupe de tête est déjà engagé dans la descente. Le portail passé nous courons toujours, notre seul espoir est que devant, le groupe d'Olivier arrive à calmer la débandade.

Déjà plusieurs centaines de mètres que nous filons au pas de course, quand soudain, comble de malheur, un groupe de cinq bêtes quitte le chemin et file dans la forêt. A peine un échange de regard avec le garçon de ferme de René, que tous les deux, nous nous élançons à la poursuite des fuyardes. Le sang tape à mes tempes, et mon souffle se fait court. Au travers des branchages, nous essayons de localiser les génisses rebelles, qui à notre approche ont repris leur course. Tant bien que mal nous finissons par les rejoindre. Epuisés, nous les poussons sur la pente, en diagonale, pour tenter de rejoindre le troupeau. La montée au travers de la forêt est un vrai calvaire pour les mollets.

Olivier en tête du troupeau

Au moment où nous somme sur le point de rejoindre le troupeau qui semble s’être enfin calmé, nos cinq fuyardes récidivent. Profitent de notre essoufflement, elles nous faussent compagnie, piquent une nouvelle fois dans la forêt en pente raide. Epuisé, nous reprenons notre poursuite, mais le souffle n'y est plus. Le visage couvert de sueur et la respiration haletante nous tenons conseil. Nous savons que le troupeau vas bientôt passer la première courbe en épingle, donc au lieu de chercher à le rejoindre en remontant, nous faisons le pari de pousser nos cinq récalcitrantes dans la descente et de retrouver plus ou moins à l'aveugle le chemin en contrebas. Cette manœuvre, à l'avantage de nous permettre de trouver un second souffle. C'est ainsi que nous rejoignons l'ensemble du groupe, à la grande surprise d'Olivier, qui nous voit surgir à travers bois en aval du troupeau.

Nous sommes chaleureusement accueillis avec un petit verre de vin blanc, qui croyez moi ne sera pas le dernier avant l'arrivée au village. M'sieur l'Président est là, dans sa voiture "balai" pour récupérer et ouvrir les bouteilles de Chasselas, qu'il a soigneusement cachées tout le long des dix kilomètres du chemin. Durant la descente, le petit verre (jamais vide) fait bon nombre d'aller-retours entre l'avant et l'arrière du troupeau. C'est l'esprit très gai, qu'une heure et demi plus tard, au petit trot, nous pénétrons dans le village de Mollens. Mais la désalpe, se doit être un jour de fête pour tout ceux qui y participent…

Après le Chasselas, un bon café…

Au village, après une longue pause et quelque bouteilles de Chasselas, chaque propriétaire récupère ses bêtes et les mène aux prés avec l'aide de quelque villageois. C'est encore l'occasion de faire circuler le petit verre de groupe en groupe. Pour Olivier et moi il est grand temps de nous éclipser. A chaque descente (les années où je viens l'aider pour la fin d'alpage) nous avons un rituel, celui de nous refugier chez la maman de Thierry pour nous refaire une santé. Après une bonne douche, nous nous retrouvons dans la cuisine de la ferme (loin du diabolique petit verre) devant une bonne tasse de café pour déguster des gâteaux faits maison.

Le soir tombe sur Mollens, il est grand temps pour nous, de retrouver la "fine équipe". C'est le nom affectueux dont nous avons baptisé l'ancien syndicat d'alpage : René, M'sieur l'Président, Belmondo le secrétaire, et Zanchi le trésorier. Invités par les trois mousquetaires, comme le veut la tradition, nous finissons la désalpe dans l'une des auberges de la région, ce soir ce sera aux deux sapins à Montricher…

Les cloches à vache