Loin du modernisme, plus près du ciel

Souvent, les soirées d'été sont éclairées de fantastiques éclairs et le roulement du tonnerre gronde. La pluie qui s'abat sur le toit de tôle est une musique que l'on écoute avec ravissement, dans la lumière douce que procurent les bougies (Autrefois seule source d'éclairage), en ajoutant une bûche dans le fourneau.

Des amis en mal de nature sont venus pour quelques jours ou quelques heures. On retrouve le goût de la cuisine au feu de bois, du temps perdu à ne rien faire, des gestes essentiels, de l'amitié.

Les enfants que la pluie empêchent de sortir, trouvent refuge à l'étage, séparés des adultes par un simple plancher de bois, ils s'inventent un monde à eux dans les jeux qu'ils improvisent, dans les livres qu'ils trouvent dans la chambre d'amis.

Dans la cuisine, les parents eux aussi jouent, aux cartes à d'autres jeux de société. On parle ou bien l'on s'isole dans la chaleur du salon pour finir ce livre que l'on avait commencé il y a si longtemps.

Ici, loin du stress des villes, on trouve enfin le temps de se rencontrer soi-même.

Après l’orage le soleil

De juillet à août, le chalet se remplit de vie, surtout les week-ends. Certaines semaines les chambres du chalet se transforment en dortoirs. Olivier a depuis longtemps prévu un grand nombre de matelas, pour faire face aux imprévus. C’est l’époque des chaudes journées, des broches sur la terrasse, et des promenades entre amis dans les prés-bois. Pour les plus courageux, c’est l’occasion d’une longue randonnée jusqu’à la buvette d’alpage du Mont Tendre, les autres s'y rendant en voiture (plus simple le soir pour ramener tout le monde). Depuis son immense terrasse, on a une vue imprenable sur le Léman et les Alpes, et un peu plus haut, au sommet du Jura Suisse, c’est un panorama à 360 degrés qui permet d’admirer la Savoie, les Alpes bernoises, les Vosges, et la Dôle.
Après une longue marche, c’est un plaisir d’y savourer entre amis une fondue, suivie d’une meringue double crème.

Tous les visiteurs savent qu’il faut aussi aider, alors à chacun sa tâche et toujours dans la bonne humeur. Ici comme ailleurs, cuisine, vaisselle, ménage… ne se font pas tous seul. Mais tout le monde est heureux d’y participer. Fût même un temps, quand le bois devait être fendu à la hache, où les amis (surtout masculin) se prêtaient volontiers à l’exercice.

Une autre règle non écrite fait force de loi: quiconque monte au chalet pour plusieurs jours, pense à apporter du ravitaillement et les fumeurs, leurs paquets de cigarettes (en nombre suffisant).

L’été 2009

Cette été là, l’alpage de Mollens fût le lieu d’une expérience peu ordinaire. Olivier reçut au chalet, un petit groupe d'adolescents vivant à Sarcelles.

Par l'auteur

Le but du projet

Pendant 8 jours, plonger en immersion totale 4 jeunes dans l'univers d'un alpage de montagne
Découvrir le monde des bergers, des animaux et de leur permettre de construire une expérience de vie collective et humaine dans un contexte inhabituel pour eux
Durant le séjour les jeunes seraient tenus de participer de façon active aux tâches de la vie quotidienne (préparation des repas, vaisselle...) mais aussi à celles inhérentes à la vie dans un alpage (corvée d'eau, contrôle des pâturages, piquets...).

Compte-rendu du séjour...

Compte-rendu du séjour 2009 en Suisse

Duré du séjour : 8 jours (du 10 au 17 août)
Lieu du séjour : chalet du pré de Mollens, Suisse

Dès notre arrivée sur les premiers contreforts jurassiens le choc s'est produit. L’excitation du voyage a fait place aux inquiétudes non encore avouées que provoquent chez tout individu la prise de contact avec un milieu inconnu. D’autant plus que nous avons essuyé un très violent orage de montagne, qui présentait le Jura sous son aspect le plus menaçant. Nos derniers kilomètres de route en pleine montagne, ont rendu nos quatre jeunes silencieux, confrontés au vertige.

La prise de contact avec le chalet et Olivier le berger qui nous accueillait a été facile et rapide. Très vite une ambiance familiale c'est installée, chacun trouvant ses repères, même si pour Vivien (le plus jeune) l'adaptation s’avéra plus longue.

Nous avions souhaité que l'ensemble du projet s'articule sur le fait qu'une communauté de personnes (bergers, paysans habitants) nous invite à partager un moment de leur vie. Ces rencontres avaient été prévues à l'avance, elles avaient pour but de créer des échanges, permettant à des individus de différentes origines (adolescents sarcellois aux multiples origines et montagnards) de se rencontrer. Chacun étant intrigué, surpris, curieux de l'autre ce qui amenait le groupe à être dans une réelle interactivité.
En zone de montagne, on ne peut pas seulement rendre visite on doit participer, fournir un effort (marcher sur une plus ou moins longue distance, ne pas arriver les mains vides, aider à la préparation des repas) et surtout avoir un comportement social acceptable par vos hôtes, et savoir rendre l'invitation...

Le résultat de ces invitations, par les retours de nos hôtes, a toujours été très positif, et ont souvent été couronné de gestes d'amitié, valorisants pour le groupe.

Concernant les repas tout s'est passé comme nous le souhaitions, le projet prévoyait qu'ils seraient "fait maison" et qu'ils seraient typiques de l'alimentation des bergers (croûtes au fromage, fondue, raclette, soupes...) ils contribuaient aussi à la cohérence du projet "Vivre une vie d'alpage". Les jeunes n’ont eu aucune difficulté à s’y adapter malgré "l'exotisme" des menus, et ont bien accepté de participer à leur préparation, ce fut aussi l'occasion de leur faire découvrir certaines herbes (la sauge, la livèche...).

La valorisation

Durant notre séjour, il avait été prévu le démontage d'un poulailler et son remplacement par une terrasse de bois. C'était la manière convenue entre nous et les jeunes de remercier Olivier pour son accueil. Après étude du dit poulailler, il nous a semblé que la tâche serait peut-être une mission trop ardue. A notre grande surprise, c'est le groupe qui a fait pression pour que le projet ne soit pas abandonné. En une après-midi le travail fut terminé malgré les différentes difficultés rencontrées.

Derrière ce travail, c'est aussi toute l'expression de la valorisation qu’ils en ont tiré qui s’exprimait. Le président du syndicat d'alpage (qui avait été mis au courant de leur entreprise) est venu voir sur place suite à une invitation émanant des jeunes. Quel ne fut pas leur bonheur d'entendre ce solide paysan à l'allure massive déclarer que c'était du bel ouvrage. Ce travail leur a également permis de s’approprier le chalet comme étant en partie chez eux.

La rencontre de soi

Le jour ou Ryan, faisant semblant de bouder décida de rentrer seul au chalet. Le groupe s'aperçu qu'il prenait une mauvaise direction avant de disparaître de notre vue. Immédiatement sans concertation chacun des 3 jeunes restants se répartirent de manière à cercler la direction qu'avait prise Ryan. Ce qui permit à tout le monde au même instant de le rejoindre avant qu'il ne se perde. Il venait d’expérimenter le sens réel du mot solidarité.

Ces 8 jours furent aussi une expérience personnelle, amenant chacun à se rencontrer et à se dépasser même dans les conflits. L'équilibre du groupe reposant sur notre interaction, tout incident, manquement ou acte de solidarité rejaillissait sur tous.

Mamadou par goût de la provocation est entré en conflit avec nous au sujet du rôle "de la femme". En soi rien de dramatique, aucune violence dans ce conflit, mais la perche fut tendue à Mamadou pour que ce soit lui qui dénoue la crise. L'enjeu était simple, soit il entamait un dialogue, soit son attitude mettait en péril la suite de ce type de séjour. Durant près de 24 heures Mamadou se débattit avec sa conscience, provoquant un sentiment de malaise chez tous et plus fort encore chez lui. Le fait de passer par la parole pour dénouer un conflit semblait lui être un obstacle insurmontable. Après plusieurs tentatives qui avortèrent, il finit enfin par se décider, et le drame se dénoua au grand soulagement de Mamadou.

Vivien (comme ce fut dit plus haut) eut plus de mal à s'adapter au groupe, autant par son attitude, que par sa façon de penser. Pour lui, les enfants de son âge lui semblaient futiles et sans intérêt, il en allait de même pour tout ce qui ne touche pas l'intellect. Le groupe malgré plusieurs tentatives pour l'incorporer, ne comprenait pas son attitude souvent dédaigneuse. Quand eux jouaient, lui préférait lire, ou se mettre en retrait, dès qu'une activité devenait trop physique, il traînait, et demandait plus d'attention, ce qui pouvait finir par agacer le reste du groupe.

Pourtant après avoir fait ce que l'on pourrait qualifier de plus grosse bêtise du séjour (avoir ouvert sans autorisation les vannes de la citerne), il a modifié son comportement. A croire que d'avoir commis une transgression lui a fait découvrir le plaisir de se lâcher. A partir de ce jour, les marches, les activités physiques, ainsi que les jeux, n’ont plus semblé être un problème.

Bilan de l’action

Pour tous, nous avons vu jour après jour se modifier des comportements et des postures. Mamadou ne plus dire de gros mot (ou pas trop), ne plus porter de casquette et se mettre à la cuisine, à la botanique et poser des questions sur les étoiles. Vivian devenir marcheur, prendre gout aux choses simples, au plaisir de faire partie d’un groupe. Ryan faire face à ses peurs : peur du vide, des génisses et même du noir. Le dernier soir il nous a demandé de l'emmener faire un tour dans le pâturage sans lampe. Ce soir-là Saïd aussi nous a fait la même demande.

A notre retour on sentait que derrière chacune de leurs personnalités, ils étaient aussi devenus membres d'un collectif et que leur différences, leurs oppositions du début avaient su s'estomper au profit d'un mieux-vivre ensemble.

Nous sommes sûrs, que de cette expérience, de la richesse qui a pu s’en dégager, des rencontres et des situations, il leur en restera un souvenir à jamais indélébile, comme pour nous qui les avons accompagné, ainsi que pour toutes les personnes qui les ont reçu.

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Les participants étaient des adolescents qui fréquentaient l'association "Ensemble" plus deux encadrants du centre social des Sablons.

Vivien : 10 ans
Ryan : 12 ans
Saïd : 14 ans
Mamadou : 14 ans

C'est grâce à Nadine " La petite fée du pré des amoureux", initiatrice du projet membre du CA de l'association "Ensemble" et du Centre Social des Sablons à Sarcelles, mais aussi grâce à l'aide d'Olivier, des Paysans et du Syndic (le Maire) de Mollens, que le projet a pu être mené à son terme. Il a fallu encore régler les divers détails administratifs et logistiques, ce qui ne fut pas toujours sans mal. Mais au matin du 10 août, tout était enfin prêt pour prendre la route de l’alpage.